"Une Chinoise en France" - Vision comparative des cultures sino-française (et sino-occidentale)
A publier en épisodes; traduits au fur et à mesure de ce que j'ai écrit en chinois
Et, si ça peut vous aider à voir plus claire ma position, je m'imagine m'adresser à mes compatriotes.... ;-)
Il est défendu d'utiliser le contenu sans mon accord ou sans préciser la source.
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1.3 吻脸 Faire la bise
Après « bonjour » et « ça va ? »,
maintenant on va parler de « faire la bise ». Une note pour les
Chinois : il ne s’agit pas ici des bisous entre les amoureux, mais les
bisous sur les joues, entre les membres de la famille et les amis.
— 好想碰碰你…… J’ai juste envie de te toucher…
Chez les Occidentaux, que ce soit s’embrasser ou se serrer
les mains, ce qu’on veut c’est d’avoir un contact physique. Quand ils voient
que les parents chinois et leur enfant, après une très longue séparation,
peuvent se retrouver sans se faire un contact physique, ils sont surpris, voire
choqués. ça nous arrive d’avoir besoin du contact physique avec les personnes
très proches, mais ce n’est pas dans notre habitude et on est un peu timide
pour le faire. Les enfants tout petits se comportent par instinct : quand
ils voient une personne qu’ils aiment ils ouvrent les bras, se jettent dans vos
bras et veulent absolument que vous le prenez dans les bras. Chez les enfants
on voit moins la démarcation de la
frontière ; la culture laisse des empreintes au fur et à mesure que nous
grandissons.
Chaque fois quand je rentre en Chine, ma mère me serre dans
les bras, mes sœurs prennent peut-être ma main ou mon bras, mais mon père et
mon frère ne le font pas, encore moins mes oncles, tantes et cousines. Il y a
quelques années, lors de mon premier retour, ma mère était si contente que par
un coup d’élan, elle m’a embrassée. La timidité a été ainsi brisée et donc elle
fait ça chaque fois, un peu « à l’occidentale » aux yeux des Chinois.
Je tape les épaules de mon père, mes frères et sœurs, parce qu’un petit contact
intime est plaisant envers des gens qu'on aime. Puisqu’on n’est pas habitué, on a même besoin
de chercher des excuses, sans s’en rendre forcément compte. Par exemple, je
masse parfois les épaules à mon père, ma sœur dit « hé hé, je vais te
frapper » et puis elle prend ma main et la tapote.
Un peu de contact intime entre les membres de la famille nous
est donc agréable, et on ressent un besoin parfois. En France, quand les
parents font la bise aux enfants et petits-enfants, ils font des bises
« prolongées » et les serrent longuement. Mais tout comme
« bonjour » et « ça va ? », la bise fait partie du
rituel et on ne peut pas se comporter à sa propre volonté. On ne peut pas faire
la bise à quelqu’un quand on est de bonne humeur et ne pas le faire dans le cas
contraire ; on ne peut pas faire la bise à quelques personnes et ne pas le
faire à d’autres. Sauf avec la famille et les amis proches, la bise n’est plus
un acte volontaire (bien-sur, sauf quand un homme le fait à une belle fille ou
une femme à un beau garçon), mais un rite obligatoire.
Pareil comme la question de salutation, en Occident il s’agit
des rituels plutôt fixes ; en Chine sauf dans un contexte officiel, il y a
plus de spontanéité. Par exemple, après une séparation d’un an ou deux ans avec
ma famille, quand on se retrouve on ne fait pas de bise, et peut-être les
retrouvailles ont lieu sans aucun contact physique. ça paraît très froid aux yeux des
Occidentaux. Alors que plus tard, quand on se promène, parle ou mange, on peut
être bras dessus bras dessous, on peut se prendre la main, se toucher la tête
ou se tapoter les épaules (je l’ai dit tout à l’heure, on a aussi envie de se
toucher). Contrairement, si je prends l'exemple de ma belle-famille, je trouve qu'à part les bises (plus rituelles qu'affectives, sauf peut-être de la part de ma belle-mère à ses enfants et petits-enfants), il n'y a plus de contact physique spontané: chacun son espace. En France, à table, si tu vas prendre le bras de l’autre, se pousser,
se tapoter, tu envahis l’espace de l’autre et il n’y
a que les enfants « pas sages » qui font ce genre de choses (si un
enfant fait ça, les parents interviennent tout de suite). En plus, à table chacun mange dans sa propre assiette et chacun sa place à part entière, mieux
vaudrait laisser les gens tranquilles (la politesse à table s’applique aussi
dans le cadre familial).
— 批发式吻脸 Bises en vrac
La bise entre deux personnes, c’est simple, mais imaginez
quand cinq personnes rencontrent huit, ça devient très chaotique. Des fois on
va au restaurant entre amis (et amis des amis), huit ou neuf personnes sont
installées et deux autres arrivent ; tout le monde se lève pour leur faire
la bise, en disant « bonjour, ça va ? ». A mes yeux c’est
fatigant et trop rigide, mais je ne dois pas rester dans mon coin et refuser de
participer à la « cérémonie », car c’est très malpoli et
antipathique. Au moment de se quitter, il faut se forcer (en ce qui me
concerne, j’ai besoin de me forcer) à faire la « bise en vrac »
encore une fois. J’ai déjà fait la bêtise de faire semblant d’ignorer quelques
personnes qui ne sont pas venues vers moi, mais tout de suite ce fut le
remord : je n’aurais pas dû être malpolie pour une petite économie
d’énergie.
Quand on est à Rome, on fait comme les Romains. Pour ne pas
froidir l’ambiance, pour être sympathique, il faut s’accorder à la situation
même si c’est un effort à faire. Là-dessus je suis toujours passive :
j’accepte si on me le fait et ne « offre » pas mes joues de mon propre mouvement. Certains peuvent hésiter car
ils savent que ce n’est pas la coutume dans certains pays, dont la Chine. Ils peuvent se demander
si ça ne se fait pas avec moi et ont peur de m’offenser. Dans ce cas ils
attendent voir ce que je fais, ou ils me serrent les mains ou bien demandent
explicitement mon avis. Si on demande ma permission je ne refuse pas : il
n’y a pas la raison, et puis ce n’est pas si désagréable que ça, sauf s’il
s’agit d’une « bise en quantité ».
— 在我们那儿是三下!Chez nous c’est trois !
A propos, en France, en général on fait deux bises : une
à droite une à gauche. Dans certaines régions il faut en faire trois ou quatre
et puisque ce n’est pas nationalement courant, la personne l’explique à
l’avance : « chez nous c’est trois / quatre fois ». Ci-dessous
il y a une image : dans la zone jaune on fait deux bises ; dans la
zone rose quatre ; dans la zone verte trois ; dans la zone bleue
claire on n’en fait qu’une. Mais ce n’est pas un problème grave. Vous pouvez
faire comme une dame à la danse du salon et vous vous faites guider. Si, après
deux bises, la personne ne récupère pas son visage, ça veut dire que vous
pouvez continuer. Si c’est la première fois dans votre vie d’effectuer cette
cérémonie, n’ayez pas peur et sortez vos joues : d’abord une, ensuite
l’autre. Inclinez un peu votre visage, légèrement mais pas trop (sinon on doit
embrasser vos oreilles ou cheveux). Pour le reste, l’autre personne s’en
occupera.
— 吻谁?A qui ?
A part le nombre de bises, ce qui est plus important c’est de
savoir quand il faut le faire et quand il ne faut pas. Nous pouvons avoir
l’impression que les Occidentaux le font systématiquement alors que ce n’est
pas vrai. Dans le milieu professionnel les gens se serrent les mains souvent,
sauf s’ils se connaissent bien et qu’ils se sentent proches. Quand on voit
quelqu’un qu’on connaît sans avoir une relation proche, lui serrer les mains
est suffisant. D’ailleurs, beaucoup entre nous savent que la bise se fait
normalement entre un homme et une femme ou bien entre deux femmes ; entre
deux hommes seulement les membres de famille et les amis très proches le font.
— 到底吻哪儿?Où est-ce qu’on embrasse
réellement ?
Pour faire correctement la bise, on sort sa joue et
légèrement ses lèvres, sans que ces dernières touchent vraiment le visage de
l’autre, mais on fait un petit bruit imitant le contact entre les lèvres et la
joue. Ce petit bruit m’est bien technique. Lors de mon premier séjour en
France, je logeais dans une famille française. A l’époque je pensais qu’il
suffisait que les deux joues se touchent, jusqu’à un jour où un ami de la
famille d’accueil a signalé que ma méthode n’était pas bonne. Il a dit au
propriétaire de m’entraîner tous les jours et ça a fait rire à tout le monde.
Plus tard, je croyais qu’il fallait vraiment coller les lèvres sur la joue de
l’autre. Plusieurs personnes ont fait mouiller leurs joues à cause de ça et
j’en suis désolée en y repensant. Encore plus tard, j’ai mieux saisi la
tactilité. Pourtant, malgré mon geste plutôt correct, je n’arrive pas à faire
le petit bruit. Si l’autre personne le fait bien mes bises silencieuses passent
inaperçues. Parfois je tombe sur une personne qui fait également des bises
silencieuses, là ça devient plus gênant. Mais bon, ce n’est pas très grave,
l’essentiel c’est qu’on le fait.
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