jeudi 4 juin 2015

Langue(s) chinoise(s): DIVERSITE


Le chinois, quel chinois? Ceux qui disent « le chinois » ne savent pas nécessairement que cette appellation n'est claire et précise que si nous en obtenons une bonne définition, en prenant conscience des éléments qui la rendent confuse.


La signification et l’historique de la « langue commune chinoise», dite le « mandarin »

Lorsque nous disons « le chinois », en général, nous faisons référence au chinois moderne et standard, excluant donc le chinois classique et les langues ethniques ou régionales. Ce chinois « moderne et standard » est dit « putonghua 普通话 » (mot-à-mot « ordinaire; populaire - circuler - parole ») en Chine continentale ; « guoyu 国语» (mot-à-mot « nation - langue ») à Taiwan ; « huayu 华语 » (mot-à-mot « Chine - langue ») à Singapour (ainsi qu'à Taiwan pour désigner le chinois comme langue étrangère).

Le terme en vigueur sur le territoire chinois est « putonghua » (langue commune), souvent appelé « mandarin » dans le monde occidental. Ce terme « mandarin » correspond à « guanhua 官话 » (le parler des mandarins) en chinois. Nous allons voir la définition de ces deux notions - putonghua (langue commune) et guanhua (le parler des mandarins) -, afin de connaître la différence et le rapport entre elles.

Quand, en 1956, le gouvernement de la République Populaire de Chine promulgua un document officiel visant à populariser le putonghua - « guanyu tuiguang putonghua de zhishi 关于推广普通话的指示 » (« Instructions sur la diffusion de putonghua ») -. Ce dernier était définit comme une langue avec la prononciation de Pékin comme standard phonétique, le parler du Nord comme base dialectale, et les oeuvres modèles en langue vernaculaire (xiandai baihua 现代白话) comme norme grammaticale.

Le putonghua, reposant sur la grammaire et la prononciation du chinois moderne du Nord, est la langue officielle, éducative et médiatique en Chine, et aussi la langue commune de communication des Chinois en Asie du Sud-est ainsi qu‟outre-mer. Il existe des nuances phonétiques (différences d‟accents) et lexicales entre le putonghua, le guoyu de Taiwan, et le huayu de Singapour, mais ils sont en accord au niveau de la norme grammaticale et syntaxique.

La langue commune est une boule dynamique qui évolue avec le temps, qui englobe des éléments venant de la littérature et des langues régionales, qui se renouvelle avec l'évolution sociale, accentué par le fait que la constitution lexicale du chinois facilite son renouvellement.

En ce qui concerne le guanhua (le parler des mandarins), appelé aussi le parler du Nord, étant donné que le centre politique de l'Empire du Milieu s'est installé dans le Nord depuis des siècles, c'est un des confluents de la langue chinoise. Le putonghua prend son origine dans le guanhua. Autrement dit, le chinois moderne et standard s'est construit sur la base de l‟accent du parler pékinois.

Pour résumer le rapport entre le putonghua et le guanhua, nous dirons que le putonghua prend sa source et trouve sa base dans le guanhua ; le putonghua est une version plus unifiée et moderne par rapport au guanhua. Celui-là a été mis en pratique et popularisé dans les années 50 au cours du 20e siècle par le gouvernement de la République Populaire de la Chine. Il s'agit donc d‟une langue officialisée, tandis que le guanhua était à l'origine une catégorie langagière non imposée incluant des parlers d'une partie du territoire de la Chine.

Quant au terme « mandarin », il provient du portugais "mandarim" (du malais mentari ou mantari, lui-même emprunté au sanskrit mantrin-, signifiant « ministre ») ; c'est la traduction du mot chinois "guanhua", qui signifie littéralement « langue des hauts fonctionnaires (magistrats de l'Empire) ».

« Le chinois », « le chinois moderne et standard », « la langue commune », « le mandarin », « zhongwen », « hanyu », « putonghua », « guanhua », « guoyu », voici les termes dans les deux langues - le français et le chinois - que nous utilisons pour désigner la langue chinoise que les enseignants de chinois transmettent.

Diversité des parlers locaux en Chine

Nous allons maintenant porter un regard sur l'ensemble des langues véhiculées sur le territoire chinois, dans l'objectif d'éclairer l'environnement langagier des Chinois, auquel les locuteurs étrangers doivent se confronter en Chine.

Nous distinguons sept catégories principales langagières au sein du « groupe sinitique » : le Beifang guanhua北方官话 (le « mandarin du nord »), le Wu 吴, le Yue 粤 (le cantonnais), le Min 闽 (en parlant du Taïwanais nous faisons référence au Min), le Gan 赣, le Xiang 湘, le Kejia 客家 (le hakka) [Voir l'explication ci-dessous]. Sous ces sept grandes familles, il existe des « parlers locaux », et à un niveau plus inférieur, des accents différents.

En s'engageant dans l'apprentissage du chinois, on envisage de connaître et de communiquer avec une population de plus de 1,4 milliards de personnes, porteurs de différentes catégories langagières qui font, toutes, partie du monde sinophone. D'ailleurs, cette diversité langagière cause inévitablement une diversité de prononciation et de vocabulaire lorsque les Chinois de différentes régions parlent « la langue commune ». Ils se contentent souvent d'une « intercompréhension », mais pas de parler exactement « la même langue », notamment pour ceux qui n'ont pas un niveau perfectionné de putonghua, ce qui est le cas d'une partie importante de la population.

L'objectif d'aborder la problématique de la diversité linguistique est de décrire la réalité de la situation langagière du pays-cible des sinisants francophones, afin qu'ils soient préparés pour leur atterrissage sur la terre chinoise et pour leur contact direct avec les natifs.



PS. L'accent standard du Beifang guanhua est le dialecte de Beijing 北京 ; celui du Wu (ou le Jiangzhehua 江浙话) est le dialecte de Suzhou 苏州 (province Jiangsu 江苏) ; celui du Yue (ou le Guangdonghua 广东话, en français “le cantonnais”) est le dialecte de Guangzhou 广州 (province Guangdong 广东) ; celui du Min (ou le Fujianhua 福建话) est le dialecte de Xiamen 厦门 (province Fujian 福建) ; celui du Gan (ou le Jiangxihua 江西话) est le dialecte de Nanchang 南昌(province Jiangxi 江西) ; celui du Xiang (ou le Hunanhua湖南话) est le dialecte de Changsha 长沙 (province Hunan 湖南) ; celui du Kejia est le dialecte de Meixian 梅县 (province Guangdong 广东). Parmi les sept principaux dialectes, le Beifang guanhua et le cantonnais ont plus d‟influence hors de la région concernée que d‟autres dialectes.


lundi 1 juin 2015

Poème "rivière sous la neige 江雪": solitude absolue, mais peut-être plaisante



江雪 jiāng xuě (rivière - neige)
柳宗元 (de: Liǔ Zōng-Yuán) 

千山鸟飞绝 qiān shān niǎo fēi jué
万径人踪灭 wàn jìng rén zōng miè
孤舟蓑笠翁 gū zhōu suō lì wēng
独钓寒江雪 dú diào hán jiāng xuě

mille - montagne - oiseau - vol - épuiser
dix mille - sentier - homme - trace - disparaître
seul - bateau - manteau de paille - chapeau de paille - vieil homme
seul - pêcher - froid - rivière - neige

Aux milles montagnes, pas un vol d'oiseau,
Aux dix milliers sentiers, pas une trace d'homme.
Sauf un vieil homme qui, sous l'imperméable de paille et le chapeau de bambou,
pêche à la rivière glacée,  sur la barque solitaire sous la neige

Avec toutes ces prépositions et ces précisions, ça devient lourd (quand toutes les règles de grammaire nous assujettissent).... alors que le poème est extrêmement concis. La concision / la simplicité est l'âme de la poésie classique chinoise. La poésie dans la peinture, la peinture dans la poésie, les deux dans l'esprit taoïste: la nature grande, simple, sublime; l'homme vit dedans comme un poisson dans l'eau, tout petit et tout heureux.

Voyons donc la traduction de François Cheng:

Etape 1: vers coupés

Mille montagnes / vol d'oiseau s'arrêter
Dix milles sentiers / traces d'homme s'effacer
Barque solitaire / manteau de paille vieillard
Seul pêcher / froid fleuve neige

Etape 2: vers continus, en grande simplicité

Sur mille montagnes, aucun vol d'oiseau
Sur dix mille sentiers, nulle trace d'homme
Barque solitaire: sous son manteau de paille
Un vieillard pêche, du fleuve figé, la neige


Pour moi, ce poème décrit une solitude absolue, impossible à échapper et à fuir: un vieillard tout seul, entouré de l'eau et des montagnes, englobé du froid et de la neige. Aucun bruit, aucune trace de vie. Où habite-t-il? Est-ce qu'il pêche vraiment? N'a-t-il pas trop froid? On s'en moque! Comme beaucoup de poèmes classiques, c'est une ambiance, un état d'esprit; on est dans la nature, on la savoure et on s'oublie.


A la fin, une petite analyse de mots. En lisant verticalement les deux premiers et les deux derniers vers, on obtient des éléments en binômes (dont le rapport peut être: opposé, en parallèle ou en compagnie). 

千 (mille) - 万 (dix mille)
山 (montagne) - 径 (sentier) [Lieux. Les sentiers sont peut-être dans les montagnes]
鸟 (oiseau) - 人 (homme) [Vies. Nature et homme]
绝 (épuiser, exterminer) - 灭 (exterminer)
孤 (seul, solitaire) - 独 (seul, solitaire)
舟 (bateau) - 钓 (pêche) [pêcher sur le bateau]

Une des caractéristiques de la poésie chinoise au niveau du style: l'aspect "correspondant (parallèle)" entre deux vers, que les 对联 (sentences verticales en parallèle) représentent le mieux (ci-dessous une démonstration). 对对子 (faire des vers en parallèles, ce fut un exercice élémentaire avant de se lancer dans la poésie. 

Et n'oubliez pas de LIRE, voire plusieurs fois, un poème: les sonorités en font pleine partie.