lundi 1 juin 2015

Poème "rivière sous la neige 江雪": solitude absolue, mais peut-être plaisante



江雪 jiāng xuě (rivière - neige)
柳宗元 (de: Liǔ Zōng-Yuán) 

千山鸟飞绝 qiān shān niǎo fēi jué
万径人踪灭 wàn jìng rén zōng miè
孤舟蓑笠翁 gū zhōu suō lì wēng
独钓寒江雪 dú diào hán jiāng xuě

mille - montagne - oiseau - vol - épuiser
dix mille - sentier - homme - trace - disparaître
seul - bateau - manteau de paille - chapeau de paille - vieil homme
seul - pêcher - froid - rivière - neige

Aux milles montagnes, pas un vol d'oiseau,
Aux dix milliers sentiers, pas une trace d'homme.
Sauf un vieil homme qui, sous l'imperméable de paille et le chapeau de bambou,
pêche à la rivière glacée,  sur la barque solitaire sous la neige

Avec toutes ces prépositions et ces précisions, ça devient lourd (quand toutes les règles de grammaire nous assujettissent).... alors que le poème est extrêmement concis. La concision / la simplicité est l'âme de la poésie classique chinoise. La poésie dans la peinture, la peinture dans la poésie, les deux dans l'esprit taoïste: la nature grande, simple, sublime; l'homme vit dedans comme un poisson dans l'eau, tout petit et tout heureux.

Voyons donc la traduction de François Cheng:

Etape 1: vers coupés

Mille montagnes / vol d'oiseau s'arrêter
Dix milles sentiers / traces d'homme s'effacer
Barque solitaire / manteau de paille vieillard
Seul pêcher / froid fleuve neige

Etape 2: vers continus, en grande simplicité

Sur mille montagnes, aucun vol d'oiseau
Sur dix mille sentiers, nulle trace d'homme
Barque solitaire: sous son manteau de paille
Un vieillard pêche, du fleuve figé, la neige


Pour moi, ce poème décrit une solitude absolue, impossible à échapper et à fuir: un vieillard tout seul, entouré de l'eau et des montagnes, englobé du froid et de la neige. Aucun bruit, aucune trace de vie. Où habite-t-il? Est-ce qu'il pêche vraiment? N'a-t-il pas trop froid? On s'en moque! Comme beaucoup de poèmes classiques, c'est une ambiance, un état d'esprit; on est dans la nature, on la savoure et on s'oublie.


A la fin, une petite analyse de mots. En lisant verticalement les deux premiers et les deux derniers vers, on obtient des éléments en binômes (dont le rapport peut être: opposé, en parallèle ou en compagnie). 

千 (mille) - 万 (dix mille)
山 (montagne) - 径 (sentier) [Lieux. Les sentiers sont peut-être dans les montagnes]
鸟 (oiseau) - 人 (homme) [Vies. Nature et homme]
绝 (épuiser, exterminer) - 灭 (exterminer)
孤 (seul, solitaire) - 独 (seul, solitaire)
舟 (bateau) - 钓 (pêche) [pêcher sur le bateau]

Une des caractéristiques de la poésie chinoise au niveau du style: l'aspect "correspondant (parallèle)" entre deux vers, que les 对联 (sentences verticales en parallèle) représentent le mieux (ci-dessous une démonstration). 对对子 (faire des vers en parallèles, ce fut un exercice élémentaire avant de se lancer dans la poésie. 

Et n'oubliez pas de LIRE, voire plusieurs fois, un poème: les sonorités en font pleine partie.



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